Comment lutter contre la manipulation des compétitions sportives ? - 6 décembre 2019

Perdre pour gagner

À l’agenda de ce midi : la thématique d’actualité concernant le trucage de matchs ou, dans le jargon officiel, la « manipulation de compétitions sportives ». Durant ce midi, nous avons examiné plus en profondeur les tenants et aboutissants de ce phénomène.

Annick Willem, professeur de Management du sport, Département des sciences du mouvement et des sports de l’UGent et titulaire de la Chaire olympique Henri de Baillet Latour et Jacques Rogge, a renvoyé à une étude de l’UGent publiée en 2018. Celle-ci révèle clairement l’ampleur du problème en Flandre : parmi un échantillon de 567 sportifs, 18,3 % d’entre eux indiquent avoir déjà été confrontés au trucage de matchs. Bien que le trucage de matchs soit souvent associé aux paris – illégaux ou non – sur les compétitions sportives, ces derniers en constituent rarement le motif : moins de 10 % des manipulations concernent les paris. Autre idée reçue : bien que la presse épingle principalement le monde du football, tous les sports sont vulnérables aux pratiques malhonnêtes. Le professeur Willem a souligné que les mesures préventives doivent primer sur les valeurs et les règles.

Le monde du tennis n’est pas non plus épargné par les scandales, comme l’a affirmé Dirk Deldaele, conseiller de direction et Integrity Manager auprès de l’asbl Tennis Vlaanderen. Récemment, des enquêtes pénales ont été menées tant en Belgique que dans d’autres pays sur des manipulations commises par des organisations criminelles. Les enjeux sont dès lors de taille : le chiffre d’affaires annuel de l’industrie des jeux de hasard est trois fois supérieur à celui de l’industrie du sport.

Tennis Vlaanderen mise sur diverses campagnes de sensibilisation comme l’envoi de mails aux joueurs, coaches, officiels et directeurs de tournoi et l’organisation de séances d’information pour les jeunes joueurs et leurs parents. Un code anti-corruption a été intégré au règlement de discipline. Depuis 2019, un code de conduite a vu le jour.  Un point de contact a également été créé. Enfin, des plans d’action ont été élaborés pour des tournois internationaux en Belgique afin de pouvoir intervenir rapidement. 

Guy Goudesone, commissaire judiciaire à la police fédérale, a insisté sur le fait que la manipulation de compétitions sportives tourne fondamentalement toujours autour de l’argent. Il a également exposé dans les grandes lignes la manière dont la Belgique lutte contre le phénomène depuis des années déjà. L’affaire Ye en 2005 a réveillé la conscience du monde politique. Un point de contact a été créé à la police fédérale, un coordinateur national a été nommé à la police fédérale (au sein de l’Office central pour la répression de la corruption) et au parquet fédéral. Leurs missions consistent à traiter les signalements, à recourir aux informateurs, à diffuser des informations, à sensibiliser les partenaires (p. ex. les organisations sportives) et à ouvrir et coordonner des enquêtes pénales.  L’affaire la plus connue est le dossier Zéro ou « Mains propres » où il est également question de fraude fiscale et de blanchiment.

Guy Goudesone a pointé le rôle de pionnier joué par la Belgique au niveau international. La Convention de Macolin (article 13) prévoit la constitution d’une plateforme nationale.  Bien que la Belgique n’ait pas encore ratifié la Convention, une déclaration d’intention en vue de la création d'une plateforme nationale de lutte contre les matchs truqués a déjà été signée le 16 décembre 2016. La plateforme belge est unique du fait du large éventail de partenaires qu’elle rassemble : autorité fédérale, communautés, parquet, police, commission des jeux de hasard, Loterie Nationale et le secteur du sport.  Cette approche intégrée a déjà permis d’obtenir des résultats concrets : différentes organisations sportives disposent d’un règlement d'ordre intérieur ou prennent d’autres mesures préventives. Davantage d’études sont menées sur le phénomène et une coopération s’instaure pour le monitoring de tournois domestiques et internationaux. Le fait de rassembler régulièrement les partenaires facilite également l’échange d’informations.

La vigilance reste toutefois de mise. Le législateur doit également pouvoir gérer de nouvelles formes de trucage de matchs. Le midi s’est clôturé par un appel : des signalements relatifs à des trucages peuvent être faits sur le site www.fraudesportive.be.